L'écrivain vient de lancer avec cinq mouvements citoyens (1) la « Primaire des Français », qui aura vocation à désigner un candidat hors des partis traditionnels.
Une nécessité, selon lui, face à une classe politique incapable de débloquer le pays. Pourquoi avoir choisi de vous engager dans cette « Primaire des Français » alors que vous dénoncez l'obsolescence des partis politiques traditionnels ?
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Avec
son mouvement « Bleu, Blanc, Zèbre », l'écrivain Alexandre
Jardin oppose les « faizeux » de la société civile à la
classe politique traditionnelle qui dirigent le pays
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Notre
initiative ne s'appuie pas sur des partis classiques mais sur des
mouvements et des partis citoyens. Or, tous les mouvements citoyens
se sont un jour posé la question de savoir s'ils devaient entrer
dans le champ politique. Et aujourd'hui, il nous semble qu'il est
extrêmement dangereux de laisser fonctionner le système classique.
Il y a donc un sentiment d'urgence ?
Oui,
parce que ce système, élection après élection, ne se remet pas du
tout en question. La gauche et la droite prennent claque sur claque,
ou parviennent à s'en sortir par habileté tactique mais elles ne
réussissent qu'à faire baisser le taux de participation aux
élections et à envoyer les gens vers les extrêmes. On entre donc
dans une zone dangereuse. Or, dans un pays de 66 millions
d'habitants, vous ne pouvez pas laisser le monopole de la désignation
des candidats à des primaires à de tout petits clubs comme le PS ou
Les Républicains. Ou alors, on laisse aux professionnels de la
politique, qui n'ont pas brillé par leurs résultats, le soin de
continuer à enterrer le pays.
Les candidats à la primaire des Français ne devront pas avoir été condamnés, ne pas avoir fait plus de douze ans de mandat, avoir travaillé ou exercé dans le monde associatif au moins cinq ans... Ça ressemble à un portrait en creux des candidats traditionnels, non ?
C'est
en tout cas le minimum exigible ! Et c'est justement parce qu'il
n'est pas assuré que ça ne marche plus. À partir du moment où
vous avez une partie de la classe politique qui a été condamnée,
où vous avez des gens qui ont plus de douze ans de mandat et qui
n'ont même pas travaillé cinq ans en entreprise ou au sein d'une
association... On ne demande pas la lune ! Juste qu'ils aient vu
autre chose que des ministères.
Corinne Lepage et Jean-Marie Cavada, qui sont à vos côtés, sont candidats à des élections depuis 20 ans. N'incarnent-ils pas le système que vous dénoncez ?
Ce
sont des gens qui ont fait des choses dans leur vie. Corine Lepage,
en tant qu'avocate, a fait plier des compagnies pétrolières.
Jean-Marie Cavada a créé France 5, ce qui n'est pas rien. Ces gens
ont apporté au groupe, ont fait des choses par eux-mêmes. Et c'est
important que des personnes comme celles-là, qui ont aussi exercé
des responsabilités, en arrivent à la conclusion que ce n'est plus
possible d'avancer avec les systèmes actuels.
Nuits Debout, la Primaire des Français, le mouvement En marche d'Emmanuel Macron : on constate l'émergence d'alternatives aux partis politiques traditionnels. Qu'est-ce que cela signifie ?
Il
suffit de regarder autour de soi pour constater que l'enthousiasme
des gens à l'égard des partis n'est pas au beau fixe... 9 % des
Français leur font confiance pour régler leurs problèmes et 80 %
sont prêts à voter pour un autre type d'offre que celle des partis
traditionnels ! Tout le monde sait parfaitement que c'est la fin d'un
cycle.
Et si l'émiettement des voix à gauche et au centre provoqué par votre initiative favorisait le Front national ?
Je
pense rigoureusement l'inverse. Je pense qu'on va capter des gens qui
refusaient de voter ou qui votaient aux extrêmes. On va représenter
une autre forme de révolte, une révolte positive, bienveillante,
républicaine et laïque.
Quand
on lance un mouvement comme le vôtre, ne risque-t-on pas d'être
récupéré ?
Rassurez-vous,
c'est déjà le cas ! Évidemment qu'on a déjà été approchés.
Mais vous savez, l'idée d'être déguisé en ministre d'ouverture,
c'est précisément tout ce qui me fait vomir.
Certains vous soupçonnent d'avoir déjà choisi votre candidat. Que répondez-vous à cela ?
Ah
bon ? Alors c'est qui ? (rires) Comment voulez-vous que je le sache ?
J'accepte la critique, mais là, je ne vois pas bien...
Vous louez le travail des maires, avec qui vous avez noué de solides relations à travers le mouvement Bleu Blanc Zèbre (2). Qu'ont-ils de particulier ?
Ce
sont des gens qui ont une obligation de résultat. S'ils n'y
parviennent pas, ça se voit. Donc ce sont des gens d'action. Quand
vous tombez d'accord avec eux, vous démarrez le lundi qui suit.
Quand vous tombez d'accord avec un ministre, c'est le début des
emmerdes. Parce que vous sortez du bureau en pensant que quelque
chose va avoir lieu. Et il ne se passe rien....
Vous voulez révolutionner les pratiques étatiques, administratives et politiques. Mais c'est un chantier colossal...
De
toute façon, on est au bout de quelque chose. Nous allons présenter
des solutions dans les mois à venir, avec des gens qui font, des
praticiens. Nous allons travailler à rétablir des minimums.
C'est-à-dire faire en sorte que 100 % des enfants sachent lire,
écrire et compter en entrant au collège, ce qui est bien le
minimum. Cela suppose un mouvement gigantesque, certes, mais c'est
une ambition tellement légitime ! Comme le chantier qui consiste à
produire non pas 80 % de gens qui ont le bac mais 100 % de gens qui
aient un métier, pour payer leur loyer et élever leurs enfants. Ou
celui d'une justice qui réponde aux citoyens dans des délais
raisonnables.
Vous avez donc foi en l'avenir du pays ?
J'ai
foi en l'intelligence des gens. Il n'y a pas de fracture qui ne soit
pas déjà guérie par quelqu'un quelque part en France. Vous avez
des tribunaux de grande instance qui ont des délais très courts,
des zones où l'Éducation nationale réussit « anormalement »,
d'autres où le travail effectué par les centres de formation
d'apprentis est très efficace. Le pays est donc capable. Il est
juste entravé par un appareil technocratique qui veut faire les
choses à sa place en inventant des dispositifs, des normes, plutôt
que de susciter des actions.
Que
devient l'écrivain Alexandre Jardin pendant ce temps-là ?
Il
écrit un roman d'amour dans les trains. Plus je me casse la tête
sur tout ça et plus j'ai envie d'écrire un roman d'amour. J'ai
besoin de rêver.
1.
Bleu Blanc Zèbre, Cap21-LRC, Nous citoyens, Génération citoyens,
La Transition et Pacte civique.
2.
Le Mouvement Bleu Blanc Zèbre veut « réunir autour de politiques
publiques la société civile qui se bouge et les Maires qui lui font
confiance pour résoudre concrètement les problèmes auxquels sont
confrontés les Français ».
© Le Télégramme http://www.letelegramme.fr/bretagne/alexandre-jardin-tout-le-monde-sait-que-c-est-la-fin-d-un-cycle-16-04-2016-11032226.php#02lz2sJZUtQ13Bh0.99
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