GRANDE GUERRE DE 14 – 18 : ANNA COLEMAN LADD, ARTISTE QUI TRANSFORMAIT LES « MONSTRES » QUI REVENAIENT DÉFIGURÉS ET LEUR RENDAIT UNE CERTAINE DIGNITÉ…
La
Première Guerre mondiale fut inédite pour différentes raisons. Son
ampleur et sa violence lui ont valu le surnom de Grande Guerre. Dans
les tranchées du nord de la France, les combats étaient d’une
intensité inouïe. Des millions de soldats ont perdu la vie, et des
millions ont été blessés. Parmi eux, ces hommes totalement
défigurés qui n’osaient pas se montrer en public : les gueules
cassées. Mais certains ont pu retrouver un nouveau visage grâce à
une sculptrice américaine, elle s’appelait Anna Coleman Ladd.
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Ses services lui ont valu la Légion d'honneur avec Croix du Chevalier et l'Ordre serbe de Saint Sava. |
Grande Guerre, guerre totale, boucherie…
Grande
Guerre, guerre totale, boucherie… La Première Guerre mondiale
marque un tournant dans l’Histoire. Pour la première fois, le
conflit s’étend dans des pays situés sur les quatre coins du
globe. Surtout, les armes utilisées n’ont plus rien à voir avec
celles du siècle précédent. Là où les combats sont les plus
violents, dans les tranchées, les scènes sont tout simplement
insoutenables. Dans cette forme de combat, le visage est la partie du
corps qui se retrouve le plus souvent exposée aux tirs ennemis. Il
suffit qu’un soldat lève la tête pour regarder au loin pour que
sa vie bascule dans l’horreur.
Comme
les armes, les blessures des combattants sont inédites. Éclats
d’obus, de balles, brûlures… De nombreux hommes sont totalement
défigurés. À cette époque, la médecine est enfin en mesure de
sauver ces vies, mais à quel prix ? Les gueules cassées sont
méconnaissables, ils attirent tous les regards. Certains ne trouvent
pas le courage de rentrer chez eux, craignant d’effrayer, de
dégoûter leurs proches. Pire encore, les autorités leur intiment
de ne pas trop sortir, leurs visages pourraient affecter le moral du
pays.
À
Londres, le sculpteur Francis Derwent Wood vient en aide aux soldats
défigurés en leur confectionnant des masques. Alors qu’elle vit à
Boston, la sculptrice américaine Anna Coleman Ladd entend parler du
travail de Wood et décide de faire la même chose pour les soldats
français. Née en 1878 à Philadelphie, Anna a étudié la sculpture
à Paris puis à Rome. Bien loin de la reconstruction de visages, son
travail se concentre principalement sur les personnages mythologiques
: nombre de ses œuvres ornent des fontaines.
En
décembre 1917, Anna rejoint son mari à Paris. En correspondant avec
Wood, elle apprend sur sa façon de faire. Un mois plus tard, elle
ouvre un studio en collaboration avec la Croix Rouge américaine dans
la capitale. Tout est fait pour que les soldats soient le plus à
l’aise possible. L’atmosphère est chaleureuse, la pièce est
colorée de fleurs, de drapeaux et de posters. Anna discute avec ces
“brave faceless ones” (courageux sans visages) autour d’un thé
ou d’un chocolat chaud, elle veut les connaître, s’intéresse à
leurs habitudes et leur famille.
Elle
étudie les expressions faciales qu’ils peuvent encore effectuer
avant d’en choisir une qu’elle mettra en exergue dans le masque.
Cette expression est la seule que certains d’entre eux vont porter
pour le restant de leur vie. Pour confectionner le masque, Anna
commence tout d’abord par fabriquer un moule en plâtre du visage
du combattant. Ensuite, en observant des photographies d’avant-guerre
de ses sujets, elle moule le masque pour qu’il obtienne les mêmes
caractéristiques que sur les clichés. Il ne recouvre que la partie
du visage endommagée et est fixé avec des lunettes, des rubans ou
des fils. Enfin, Anna peint sa création pour qu’elle soit
exactement de la même couleur que la peau.
Avec
ses quatre collaborateurs, Anna Coleman Ladd fabrique une centaine de
masques jusqu’en 1919. Après la guerre, la Croix Rouge n’est
plus en mesure de subventionner le studio, ce qui entraîne le retour
à Boston de l’Américaine. Pour de nombreux hommes défigurés,
symboles de la violence inhumaine de la Grande Guerre, cette femme
est une véritable héroïne. Grâce à elle, ils ont pu retrouver un
visage, revoir leurs proches, vivre, tout simplement.
Couronnée
de la Légion d’honneur pour son travail lors de la Première
Guerre mondiale, Anna Coleman Ladd a fait preuve d’une générosité
incroyable. Après son passage à Paris, elle reprend la sculpture.
Elle s’éteint en 1939 en Californie. Elle compte parmi ces héros
trop méconnus, qui ont changé l’existence de nombreuses
personnes.
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